
Avis et propositions d’Alternatiba Rosny sur la concertation préalable à la création de la ZAC Grand-Pré / Rosny 2
Le PLUi (Plan Local d’Urbanisme intercommunal) du territoire Grand Paris Grand Est est entré en application en janvier 2025, après plus de trois années de réflexions, d’études et de concertation. Ce document, validé par l’État, a permis de sanctuariser le quartier pavillonnaire du Grand Pré ainsi que la zone commerciale Rosny 2, jugée non conforme aux exigences de transition écologique par le Tribunal administratif de Montreuil en avril 2023. Les magistrats ont notamment pointé des risques majeurs liés à la pollution des sols et de l’air, à l’imperméabilisation massive, et au renforcement des îlots de chaleur urbains.
Revenir sur ces décisions à peine quelques mois après leur entrée en vigueur interroge fortement. Cela révèle une volonté politique assumée de densification à marche forcée, portée non par l’intérêt général mais par les logiques d’investissement privé — en particulier celles du groupe Unibail-Rodamco-Westfield, unique partenaire économique du projet présenté aujourd’hui en concertation.
Au-delà des enjeux environnementaux et démocratiques, un tel projet soulève également des interrogations majeures sur le coût à long terme pour la collectivité. Développement des réseaux, infrastructures publiques supplémentaires (voirie, équipements, assainissement, écoles…), entretien des espaces publics, sécurisation des flux : les charges financières induites par une telle transformation urbaine pèseront directement sur les finances de la ville et du territoire, dans un contexte budgétaire déjà contraint. Il est donc légitime de s’interroger sur les bénéfices réels de cette opération, comparés aux investissements qu’elle exigera des pouvoirs publics, sur plusieurs décennies.
Face à ces constats, notre association Alternatiba Rosny-sous-Bois, engagée dans la lutte contre le changement climatique et pour une transition écologique et solidaire, souhaite faire entendre une voix citoyenne, factuelle et constructive.
Nous comprenons la nécessité de repenser cette zone stratégique, située entre la gare Rosny-Bois-Perrier, le centre commercial Rosny 2, le quartier du Grand Pré et de grandes infrastructures (A3, A86, RER E, métro 11, Grand Paris Express). Il s’agit bien d’un enjeu d’aménagement majeur pour les décennies à venir.
Mais face à l’urgence écologique, à la fragilité des équilibres sociaux et à la saturation des ressources urbaines, nous affirmons qu’un projet de cette ampleur ne peut être acceptable que s’il prend en compte, dès sa conception, les conditions de sa propre soutenabilité : résilience, sobriété, justice sociale, restauration du vivant.
Si – et seulement si – ce projet devait aller plus loin, alors il doit être profondément revu. C’est dans cette perspective que nous proposons une contribution structurée autour de trois axes d’analyse : la densification urbaine excessive, l’absence d’une véritable stratégie de trames vertes et de résilience face aux îlots de chaleur, et le manque d’ambition sur les mobilités douces.

Densification urbaine excessive : un modèle à réinterroger
Le projet de ZAC prévoit une densification massive autour du pôle gare Rosny-Bois-Perrier, en valorisant la multimodalité (RER E, métro ligne 11, futur Grand Paris Express ligne 15). Cette densification est pensée comme un levier d’attractivité, avec la création d’un quartier « mixte et attractif », autour du centre commercial Westfield Rosny 2, à l’horizon 2050.
S’engager dans la sobriété foncière implique de repenser profondément la manière dont nous concevons et habitons nos villes. Cela suppose de sortir du modèle productiviste qui a guidé l’aménagement des dernières décennies pour aller vers un urbanisme résilient, économe en foncier, ancré dans l’existant et adapté aux défis climatiques.
Dans le territoire de Grand Paris Grand Est, le Projet d’Aménagement et de Développement Durable (PADD) estime les besoins annuels à Rosny-sous-Bois à 309 logements par an pour répondre à la croissance démographique et au desserrement des ménages. Or, plus de 2 000 logements ont été construits dans la commune en cinq ans, notamment le quartier complet de Coteaux-Beauclair, les axes Gabriel Péri et Lech Walesa, ce qui va bien au-delà des objectifs fixés.
Ce rythme de production interroge d’autant plus que le taux de vacance à Rosny-sous-Bois atteint 8,6 %, contre une moyenne de 6,1 % sur l’ensemble du territoire. Cela représente près de 1 600 logements inoccupés, soit l’équivalent de presque cinq années de progression. Cette tendance est le signe d’une surdensification mal maîtrisée, avec un déphasage entre l’offre construite et les besoins réels.
En parallèle, le projet ambitionne de renforcer l’offre de bureaux, alors que la vacance dans ce secteur atteint déjà 19 % à Rosny-sous-Bois, notamment dans la tour d’affaires de Rosny2 rue Léon Blum, située dans le périmètre même de la future ZAC. Dans un contexte post-pandémique marqué par le développement du télétravail et la transformation des usages tertiaires, cette orientation n’est ni justifiée, ni soutenable.
Également, aucune garantie claire n’est apportée concernant la hauteur des constructions, leur impact sur le tissu existant, ou encore la capacité des équipements publics (écoles, services de santé, espaces publics) à absorber cette croissance. Nous rappelons que le projet porté par Unibail-Rodamco-Westfield, qui fait l’objet de permis de construire déjà déposés en mairie et présenté en réunion publique, prévoit des tours de plus de 20 étages sur l’axe Léon Blum. (voir schéma suivant du constructeur)
Par ailleurs, les habitantes et habitants du quartier pavillonnaire du Grand Pré, directement concernés par les mutations à venir, apparaissent peu intégrés à la dynamique de concertation actuelle. Pourtant, l’Association des riverains du Grand Pré existe et s’est mobilisée de longue date pour la défense de leur cadre de vie. Cette mobilisation avait notamment permis d’obtenir, dans le PLUi, la création d’une OAP (Orientation d’Aménagement et de Programmation) sectorielle spécifique au quartier Grand Pré, visant à encadrer les évolutions futures dans le respect de son identité pavillonnaire. Ne pas prendre en compte cette OAP revient à fragiliser la parole des habitant·es et les garanties démocratiques qu’offre la planification urbaine.
Nos propositions
Limiter la hauteur et la densité des nouvelles constructions, en conditionnant tout développement à une évaluation rigoureuse de la capacité réelle des équipements publics existants à absorber les nouveaux habitants.
Mettre en pause toute création de nouveaux bureaux, tant qu’une étude approfondie ne justifie pas leur pertinence dans un contexte de vacance élevée.
Réorienter la production de logements vers une approche de sobriété foncière, en
favorisant la réhabilitation et la remise sur le marché du parc vacant existant, et en encourageant à la transformation de bureaux vacants en logements.
Renforcer la concertation de proximité, en associant plus étroitement les habitantes et habitants du quartier Grand-Pré à toutes les étapes du projet, afin de garantir une transformation progressive, équitable et respectueuse du cadre de vie.Favoriser la renaturation urbaine, en identifiant les zones à désartificialiser et en intégrant des objectifs concrets de végétalisation dans le cahier des charges de la ZAC.
Trames vertes et résilience face aux îlots de chaleur : une urgence climatique locale
La commune de Rosny-sous-Bois a connu une densification rapide au cours des dernières années, souvent au détriment des trames vertes, des cœurs d’îlot végétalisés et des sols perméables. Cette dynamique menace directement la capacité de la ville à affronter les chocs climatiques à venir, en particulier les vagues de chaleur, les inondations et l’effondrement de la biodiversité urbaine.
Actuellement, Rosny-sous-Bois ne dispose que de 8,7 m² d’espaces verts par habitant, un chiffre inférieur au seuil recommandé par l’OMS (10 m²/habitant) et loin des standards nécessaires pour assurer une qualité de vie acceptable dans un contexte de changement climatique. À l’échelle de la Métropole du Grand Paris, 73 % des habitants subissent déjà les effets des îlots de chaleur urbains, et la commune est particulièrement vulnérable, comme l’indique le score d’intensité d’îlot de chaleur urbain (ICU) intermédiaire atteignant 6,81 °C sur certaines parcelles de Rosny 2.
Le projet de ZAC affiche une volonté de « désimperméabilisation des sols » et de création d’espaces publics. Mais dans les faits, les mesures concrètes restent rares, peu quantifiées et non cartographiées. Sur l’ensemble du périmètre projeté, la pleine terre ne représenterait qu’environ 5 %, alors que les règles minimales imposent au moins 20 %, et qu’il conviendrait de viser 30 % pour garantir une réelle résilience. Cette faiblesse est particulièrement criante dans un quartier aussi fortement minéralisé que celui du centre commercial Rosny 2.
Nous saluons la création d’un parc le long des voies du RER E, ainsi qu’un second espace vert face au cimetière. Ces équipements pourraient constituer des respirations essentielles. Toutefois, le futur parc le long du RER est totalement enclavé, bordé par les autoroutes A3 et A86, et très difficilement accessible pour les habitants depuis le quartier Grand Pré ou Marnaudes. Sans désenclavement actif, il risque de rester marginal dans l’usage quotidien des habitant·es se contentant de “verdir” le projet de ZAC.
Concernant l’extension du centre commercial Rosny 2, des avertissements ont déjà été émis : l’Autorité environnementale en 2022, puis le tribunal administratif de Montreuil en 2023, ont souligné la sous-estimation manifeste des enjeux environnementaux, ce qui a conduit à l’annulation des permis de construire. À ce jour, aucune action significative n’est prévue pour traiter les 56 000 m² de toiture du centre commercial actuel. Ni végétalisation ni dispositif énergétique passif ou actif (type photovoltaïque ou solaire thermodynamique) ne sont évoqués, alors qu’une partie des parkings silo semble vouloir être exploitée.
L’absence d’une trame verte structurée, de corridors écologiques reliant les quartiers et espaces naturels du territoire, ou d’une modélisation thermique précise du projet, laisse penser que la lutte contre les îlots de chaleur reste pour l’instant un affichage plus qu’un objectif opérationnel.
Nos propositions
Créer un maillage végétal continu, incluant trames vertes, corridors écologiques et cœurs d’îlot perméables, connecté aux espaces naturels existants (parcs, friches, talus ferroviaires).
Augmenter la part de pleine terre sur l’ensemble du projet pour atteindre au minimum 20 %, en visant 30 % à terme, avec des engagements contractualisés dans le cahier des charges d’aménagement.
Planter massivement des arbres à haut développement, avec un programme de suivi, d’arrosage durable et d’entretien à long terme.
Appliquer des revêtements perméables partout où cela est possible : trottoirs, cours d’immeubles, parkings, placettes.
Désenclaver les nouveaux espaces verts, en particulier le futur parc le long du RER, en assurant des liaisons piétonnes et cyclables accessibles, continues et sécurisées depuis les quartiers environnants.
Intégrer une modélisation fine des effets d’îlot de chaleur urbain dans le dossier d’impact environnemental, avec simulation de scénarios d’adaptation.
Aménager les toitures et les parkings du centre commercial Rosny 2 : végétalisation extensive/intensive, panneaux solaires, systèmes de rétention d’eau pluviale.
Mobilités douces : une ambition à concrétiser
Face à la crise climatique, à la saturation des infrastructures routières et aux enjeux de santé publique, le vélo et la marche doivent devenir des piliers structurants de l’aménagement urbain. Ce sont des modes de déplacement sobres, accessibles, non polluants, qui répondent à la fois aux objectifs de justice sociale, de qualité de l’air et de transition écologique.
À Rosny-sous-Bois, les conditions de circulation sont fortement dégradées par la congestion automobile liée aux grands axes (A86, A3, boulevard Gabriel Péri, avenue du Général de Gaulle). Les nuisances sonores, la pollution, et la dangerosité pour les piétons comme pour les cyclistes sont des obstacles majeurs à l’usage des mobilités douces. Dans ce contexte, la réduction de la place de la voiture individuelle, notamment dans les quartiers résidentiels et à proximité des échangeurs, doit être une priorité, au même titre que la sécurité des usagers vulnérables.
Le projet de ZAC affiche une volonté d’apaisement de la circulation et de promotion des mobilités actives, en mentionnant différents projets d’aménagement cyclable portés par la Région du réseau VIF (Vélo Ile-de-France), le Département, la Métropole et la Ville. Cependant, aucun plan cyclable clair, continu et sécurisé n’est présenté dans le dossier, ni de cartographie des cheminements piétons ou d’intégration de l’accessibilité universelle. Les connexions douces vers le centre-ville, les quartiers pavillonnaires, la gare ou le centre commercial Rosny 2 sont insuffisamment pensées, alors qu’elles sont cruciales pour la cohérence du futur quartier.
Par ailleurs, les infrastructures lourdes qui cernent la ZAC (A86, voies ferrées, échangeur autoroutier) constituent de véritables barrières physiques pour les mobilités actives. Sans stratégie forte de désenclavement, de sécurisation et de continuité, les objectifs affichés resteront lettre morte. Un quartier réellement “vivable” et accessible sans voiture ne peut émerger sans un schéma global, hiérarchisé et lisible de mobilités douces, pensé dès la phase de planification.
Nos propositions
Élaborer un schéma global de mobilités douces, cohérent à l’échelle du projet et de la commune, incluant :
Des liaisons cyclables et piétonnes sécurisées, continues, lisibles.
Une hiérarchisation claire des parcours principaux et secondaires.
Et un calendrier de mise en œuvre et de suivi.
Développer des pistes cyclables en site propre, totalement séparées de la circulation automobile, connectées au réseau VIF, au centre-ville, à la gare, et aux quartiers limitrophes.
Mettre en place un plan piéton ambitieux, fondé sur :
l’accessibilité universelle (PMR, poussettes, personnes âgées),
des zones de rencontre apaisées,
des cheminements arborés et ombragés,
du mobilier urbain adapté,
une signalétique douce et claire.
Transformer la rue Conrad Adenauer en axe apaisé. En aménageant la rue Conrad Adenauer en voie uniquement piétons et vélos, afin de créer une liaison douce, sûre et agréable entre le centre-ville et la gare Rosny-Bois-Perrier.
Réduire la vitesse et le volume de trafic automobile, en instaurant des zones 30 généralisées, des dispositifs de modération (chicanes, plateaux, marquage), en particulier à proximité des établissements scolaires, des parcs et des grands axes.
Créer des franchissements doux au-dessus ou en dessous des infrastructures lourdes (voies ferrées, A86, A3), pour garantir une réelle continuité entre les quartiers et désenclaver les nouvelles polarités urbaines.
Prochaines dates de concertation
27 Mai 2025 – 18h30 – 1er Atelier de concertation (Maison des projets Claude Naissant)
3 Juillet 2025 – 18h30 – Réunion Publique (UGC Ciné Rosny-sous-Bois)